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S’adapter au  changement  climatique  dans  le  domaine  de  l’eau,  c’est  réduire  les  vulnérabilités du territoire,  prévenir les conflits d’usage (agriculture, industrie, citoyens) et assurer la sécurité des biens et des personnes face aux risques naturels : inondation, submersion et érosion du trait de côte.
Ces risques, s’ils ne sont pas anticipés, ont des répercussions économiques, sociétales et environnementales importantes et peuvent mettre en péril la vitalité d’un territoire. Il est donc essentiel de développer une stratégie d’adaptation pour une gestion de l’eau qui prenne en compte l’ensemble des usages et des besoins de la population, des activités économiques et des écosystèmes, en intégrant les risques à venir au vu des évolutions climatiques attendues.
En Occitanie, l’enjeu est important, notamment pour les régions littorales et le secteur agricole. Des collectivités sont déjà engagées dans cette dynamique de transition et d’adaptation de leur politique de l’eau aux nouvelles conditions climatiques.

 

Des solutions qui ont fait leurs preuves dans des territoires d’Occitanie

Pour maintenir un niveau satisfaisant de disponibilité de la ressource, prévenir les conflits d’usage notamment en période d’étiage, et garantir une eau de qualité, malgré les contraintes climatiques, la collectivité peut agir sur plusieurs leviers.
Elle peut promouvoir et inciter aux économies d’eau pour les secteurs économiques les plus consommateurs et la consommation domestique : agriculture adaptée au climat, suivi des consommations dans les bâtiments publics, tarification incitative, etc.
On peut citer ici la démarche du Conseil Départemental des Pyrénées Orientales qui vise à générer des économies d’eau dans les collèges et les bâtiments départementaux par la mise à disposition de réducteurs de pression et de dispositifs anti-fuites. Cette opération étant fructueuse, un appel à projets en direction des communes a été lancé et a permis le déploiement de la démarche à une échelle locale.

Une autre solution à privilégier est celle de l’utilisation des solutions de substitution, que l’on nomme les “eaux non conventionnelles” : eaux usées traitées, eaux de pluie, eaux grises et eaux d’exhaure (eaux d’infiltration : mines, carrières...) . Ces eaux peuvent être utilisées pour l’irrigation agricole, l’arrosage des espaces verts, le nettoyage des sols, de la flotte de véhicules… en alternative à l’eau potable ou à de nouveaux prélèvements. La réutilisation des eaux usées traitées (REUT) a commencé en France dans les années 80, et est de plus en plus encouragée par les politiques publiques. Un ouvrage vient d’être publié sur le sujet : "Réutilisation des eaux usées traitées : le panorama français".

Un exemple : le projet Irri-Alt’Eau qui vise à utiliser des eaux de la station d’épuration du Grand Narbonne comme source d’eau alternative pour irriguer les vignobles de Gruissan.

Voir la vidéo réalisée sur ce projet par la DREAL Occitanie

Pour améliorer le stockage de l’eau, la collectivité peut réhabiliter des aménagements existants afin de développer des dispositifs de stockage ou de valoriser des retenues artificielles, tout en étant particulièrement vigilante à leur impact environnemental. L’exemple de la commune de Bram est une bonne illustration. L’opération a consisté à transformer une sablière en « jardin de pluie » pour améliorer la gestion des eaux pluviales tout en contribuant à restaurer la biodiversité et à offrir un espace de détente aménagé aux habitants.

La préservation et la restauration des zones humides lors de projets d’aménagements sont aussi des moyens efficaces pour accroître la résilience du territoire, comme le montrent les exemples suivants. Les milieux humides rendent plusieurs services : ils assurent une protection contre les risques naturels, ils permettent une diminution de l’intensité des crues et inondations en agissant comme des « zones tampons », ils constituent des réserves d’eau en période de sécheresse et enfin, ils stockent le carbone.
Restauration de tourbières dans la vallée de l’Aude
Préservation des zones humides dans le PNR des Pyrénées Catalanes en soutien aux débits d’étiage

Enfin pour anticiper les conflits d’usage, il est nécessaire d’organiser une gestion concertée des usages de l’eau.
Le Conseil Départemental des Pyrénées Orientales a réalisé ce type de démarche. Il a mis en œuvre une politique globale pour la gestion de la ressource en eau à l’échelle du département. Cette politique se décline en mesures opérationnelles autour de 3 priorités : faire des économies d’eau, améliorer les connaissances territoriales, et optimiser l’offre en eau. Une gouvernance locale, la Commission Locale de l’Eau, a été mise en place pour protéger et gérer collectivement la ressource.

 

Les collectivités ont un rôle majeur majeur dans la préservation de leur territoire contre les risques d’inondation et de submersion.

Les habitants d’Occitanie ont été fortement impactés par les phénomènes d’inondation ces dernières années et le littoral méditerranéen est victime d’une érosion sans précédent. Protéger les habitants et aménager le trait de côte sont essentiels pour maintenir un cadre de vie habitable et préserver l’attractivité du territoire.

La prévention des inondations suppose notamment de limiter l’imperméabilisation des sols et d’améliorer la gestion des eaux pluviales.
L’objectif de « zéro artificialisation nette »* imposée aux collectivités dans les réflexions et documents d’urbanisme va contribuer à réduire le taux d’imperméabilisation des sols.
Les collectivités peuvent favoriser la (re)perméabilisation des sols en particulier en zone urbaine lorsque des solutions et usages alternatifs le permettent,en ayant notamment recours aux Solutions fondées sur la Nature.

Concernant la problématique de la gestion des eaux pluviales, des réponses existent. On peut citer par exemple la création de noues, de tranchées d’infiltration, de bassins de rétention, ou de zones tampons (comme les fossés par exemple), ou encore la plantation de haies « brise crues » comme en témoigne l’expérience du Syndicat Mixte Interdépartemental de la vallée de la Lèze.

Le plan d’adaptation au changement climatique du bassin Adour Garonne (2018) et le plan de bassin d’adaptation au changement climatique dans le domaine de l’eau du Bassin Rhône Méditerranée (2014) donnent des pistes d’actions à mettre en œuvre dans les territoires.

En zone littorale, pour protéger les habitants de la submersion marine, là encore, plusieurs solutions sont possibles, comme la définition de zones inconstructibles, la relocalisation de sites trop exposés, la restauration de zones tampons entre la terre et la mer, l’instauration de zones d’expansion de crues. Les SafN peuvent aussi constituer des réponses. Par exemple, des actions de végétalisation des dunes pour maintenir le trait de côte.
inondations dans le Gard

Un exemple dans le Gard : Repli stratégique avec suppression d’une route et restauration d’un cordon dunaire au Grau du Roi, (Gard)
La pointe de l’Espiguette est une remarquable zone humide qui est victime à certains endroits d’un phénomène d’érosion. Cette érosion fragilise la protection naturelle constituée d’un cordon dunaire de 1re ligne contre les intrusions marines qui sont de plus en plus fréquentes et menacent les domaines viticoles et agricoles, les campings et le réseau d’eaux usées. La solution retenue a été le repli stratégique : laisser au littoral un espace de liberté suffisant pour l’amortissement de l’énergie des houles. Ainsi, une ligne de protection naturelle, un cordon dunaire et la surélévation des pistes et talus existants, en retrait de la ligne de rivage ont été réhabilités.

L’étude « Adaptation des territoires littoraux méditerranéens au changement climatique – Phase 2 : Outils et méthodologies existants » réalisée par le Cerema (2020) est riche d’enseignements et de retours d’expériences pour les territoires du littoral.

 


*Le Zéro Artificialisation Nette (ZAN) est un objectif à 2050 fixé par la loi climat et résilience (2021). Elle demande d’abord aux territoires de baisser de 50 %, d’ici 2030, le rythme d’artificialisation et de consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers, pour atteindre le zéro artificialisation nette d’ici 2050. Est également posé un principe général d’interdiction de création de nouveaux centres commerciaux qui entraîneraient une artificialisation des sols.