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En 2019, le secteur de la construction en France a produit 224 millions de tonnes de déchets, dont 185 tonnes issues des travaux publics (Source : ADEME – Chiffres clés déchets 2020). Les collectivités, de par leurs compétences et à travers leurs commandes publiques, ont un rôle à jouer dans l’organisation de la gestion des travaux de construction et de rénovation des bâtiments. Soutenir le recyclage et le réemploi des ressources nécessaires à toute opération de rénovation ou construction représente un enjeu de taille pour assurer les objectifs nationaux, régionaux et locaux de transition énergétique

Les ambitions nationales et régionales de réduction des déchets pour le secteur du BTP

Les chiffres 2019 de l’ADEME font état de 224 millions de tonnes de déchets produites sur l’année par le secteur de la construction répartis en 42,5 tonnes pour le bâtiment et 185 tonnes pour les travaux publics. Le secteur du BTP se place ainsi au premier rang de la production de déchets en France, devant les entreprises – 63 millions de tonnes – et les ménages – soit des déchets municipaux de 39 millions de tonnes. La valorisation des déchets du bâtiment reste encore en dessous des objectifs fixés par la loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte de 2015.
L’ADEME constate que seuls 46 % à 63% de ces déchets sont aujourd’hui valorisés, contre les 70% visés à l’horizon 2020.

 

En ce qui concerne la Région Occitanie, le secteur de la construction produit 11,4 millions de tonnes de déchets en 2019, sur les 17 millions de tonnes de déchets produites au total au niveau régional. Parmi ces 11,4 millions de tonnes de déchets issus du secteur du BTP en Occitanie, 10,6 millions de tonnes sont des déchets inertes, qui ne se décomposent pas et ne brûlent pas. Il s’agit essentiellement des matières minérales naturelles comme la pierre, la terre et le sable, ainsi que des matières minérales manufacturées comme le béton, le verre ou la brique.
66 % des déchets inertes sont aujourd’hui valorisés en Occitanie. Cet effort de valorisation des déchets inertes est plus important que la moyenne nationale, mais encore en dessous des objectifs de la LTECV de 2015.
atelier de recyclage du bois

 

La valorisation des déchets du secteur de la construction s’intègre dans les démarches de transition énergétique des territoires, en raison notamment de l’énergie et des émissions de gaz à effet de serre que la production, l’acheminement et la transformation des déchets entraînent. En effet, selon l’ADEME, le recyclage des métaux ferreux, du cuivre, de l’aluminium, des papiers-cartons, du verre, des inertes du BTP, du bois et des plastiques a permis d’éviter en 2017 :

  • l’émission de 22,6 millions de tonnes équivalent CO2 de gaz à effet de serre (soit l’équivalent de 80 millions de km en voiture) ;
  • la consommation de 64 TWh d’énergie (soit l’équivalent de la production annuelle de trois à quatre centrales nucléaires, sur les 19 centrales qui composent le parc français)

Pour atteindre les ambitions européennes et nationales fixées par les directives européennes, et les lois Grenelle II 2008 et LTECV 2015 au niveau national, la Région Occitanie a élaboré un Plan Régional de Prévention et de Gestion des Déchets. Le PRGPGD a été adopté le 14 Novembre 2019 en Assemblée Plénière du Conseil Régional.
La Région Occitanie vise une stabilisation de la quantité de déchets inertes issus du BTP aux horizons 2025 et 2031, sur la base 2015, à savoir 10,6 millions de tonnes. Le Plan vise également la valorisation de 80% de ces déchets inertes en sortie de chantier à partir de 2025, contre 66% en 2019. Elle s’appuie pour cela sur 3 actions prioritaires :

  • limiter au maximum l’exportation hors chantiers de matériaux inertes excavés. Ce qui suppose un travail d’optimisation de l’équilibre déblais / remblais des projets ;
  • favoriser la réduction des quantités de déchets dans les chantiers et notamment leur réemploi et réutilisation ;
  • réduire la nocivité des déchets produits et matériaux utilisés

Au-delà de ces 3 actions phares, la Région Occitanie, en partenariat avec l’ADEME, encourage les démarches de réemploi en définissant des critères de sélection spécifiques dans le cadre des appels à projet No Watt ou encore du Plan Bâtiments durables d’Occitanie. L’exemplarité en termes de gestion, tri et valorisation des déchets aux différentes phases des chantiers est un critère de labellisation NoWatt ou Bâtiments Durables d’Occitanie.
L’organisation de la gestion des déchets aux phases de conception et de réalisation de tout chantier contribuent par ailleurs aux exigences d’exemplarité que la loi LTECV impose depuis 2015 aux collectivités locales. La mise en avant de l’engagement de ces démarches de valorisation ou de réemploi sur les territoires encourage leur reproductibilité pour des chantiers futurs.
La démarche Quartiers Durables d’Occitanie animée en parallèle par EnviroBât souligne l’attention portée aux démarches de valorisation et à l’aménagement des quartiers en Occitanie.

 

Comment encourager le réemploi de matériaux sur mon territoire ?
Le réemploi désigne les systèmes ou filières permettant de réemployer un objet :

  • pour l’usage pour lequel il était initialement prévu ;
  • ou pour un autre usage

Les distinctions entre le réemploi, la réutilisation et le recyclage ne se limitent pas à leurs définitions. Ces différentes méthodes de traitement et de gestion des déchets varient également selon leurs besoins en énergie : certaines sont plus énergivores que d’autre. La directive européenne de 2008 classifie ces techniques de traitement des déchets. Le réemploi/réutilisation sont classés en premier, avant le recyclage, en raison notamment de leur coût énergétique. Le réemploi ne nécessite pas que la matière soit transformée à l’inverse du recyclage donc la transformation agit sur la matière. Par l’utilisation de la matière présente sans transformation, les impacts environnementaux du procédé de réemploi est sont plus faibles que ceux du recyclage.

Les études 2015 du SINOE et du CRESSE recensent près de 634 acteurs du réemploi en Occitanie. (Source : Plan Régional de Prévention et de gestion des déchets Occitanie 2019). Ces acteurs regroupent, entre autres, les Chambres de commerce et d’industrie, les associations, les entreprises, les artisans, les communautés d’agglomérations et les ressourceries.

 

Pour encourager la dynamique de réemploi sur leurs territoires, les collectivités peuvent organiser des rencontres et des groupes de travail entre les structures du réemploi et de la réparation. Les études territoriales permettent d’identifier les écosystèmes ou les initiatives présentes sur les territoires. L’organisation de groupes de travail favorise ensuite l’interconnaissance et la création de synergies entre les différents acteurs. Cela permet également à la collectivité de dynamiser la thématique sur le territoire, d’identifier de nouveaux gisements de matière à valoriser, voire d’identifier les zones blanches non desservies par les recycleries.

Au-delà des diagnostics des ressources et de la cartographie des acteurs du réemploi sur leurs territoires, les collectivités peuvent appuyer la structuration de la filière via :

  • la signature de conventions avec ces acteurs afin de mettre des biens et matériaux à disposition, de les soutenir financièrement dans le déploiement de leurs initiatives. C’est le cas notamment pour le Département de l’Aveyron ou encore de la Communauté d’Agglomération de Tarbes qui réfléchissent à la structuration de réemploi avec les syndicats de gestion des déchets
  • des actions de pilotage, d’animation et de sensibilisation autour de la gestion des déchets. Le Parc Naturel Régional des Pyrénées Catalanes, le Conseil Départemental de la Lozère ou encore la Communauté d’Agglomération de Béziers Méditerranée ont par exemple déployé une campagne de sensibilisation et de découverte de l’économie circulaire à travers le déploiement d’une installation pédagogique créée par le GRAINE Occitanie, Réseau d’éducation à l‘environnement.
  • la collectivité peut également faire le choix de porter la recyclerie et d’acquérir le local pour le mettre à disposition d’une association ou d’un collectif d’associations.
  • enfin, en tant que maîtres d’ouvrage, elle veille à maîtriser les flux de ressources, de leur collecte en déchèterie jusqu’à leur valorisation.

La gestion des déchets débute par ailleurs, dès la conception du bâtiment, en prévoyant la production de déchets induite sur toute la durée de sa vie et les solutions applicables pour favoriser le réemploi et la recyclabilité des matériaux. Le projet DEMODULOR porté par l’ADEME propose le développement de quatre solutions constructives de prévention de la production de déchets grâce à une approche systématique de démontabilité.

 

Quelques initiatives de réemploi sont soutenues par des collectivités maîtres d’ouvrages en Occitanie. La commune d’Escalquens (Haute Garonne) a par exemple fait le choix du réemploi pour les parquets du futur gymnase, dont les travaux seront lancés au premier semestre 2021. L’équipe projet du futur espace Nordique de Beille en Ariège s’engage à réutiliser les matériaux issus de la déconstruction ou encore à utiliser la charpente métallique existante retirée pour une autre station du territoire. L’équipe projet travaille par ailleurs en partenariat avec l’Observatoire Régional des Déchets et de l’Économie Circulaire d’Occitanie pour les phases de réalisation à venir.

 

Les bénéfices du réemploi pour les collectivités

Dynamiser l’économie circulaire et les circuits courts pour les chantiers de son territoire

La filière du réemploi ne dépend pas de ressources fossiles. Ce processus constructif tire parti du stock de matières premières et de matériaux existants au sein des territoires, notamment des dits "gisement urbains". En préconisant le réemploi de matériaux viables mais jusqu’alors voués à la déchetterie pour leurs chantiers publics, les collectivités encouragent le développement d’une économie circulaire et relocalisée. En s’intéressant aux ressources locales disponibles pour leurs chantiers, les démarches de réemploi s’intègrent dans les démarches de circuits courts et de relocalisation des matières premières. S’engager dans le réemploi des ressources et matériaux du territoire accompagne la concrétisation des objectifs de transition énergétique. Favoriser le réemploi sur les chantiers permet de réduire la création de nouvelles matières et rend possible des approvisionnements de proximité, générant ainsi des gains financiers et environnementaux non négligeables pour les travaux des collectivités ou des particuliers.

 

Offrir de nouvelles opportunités économiques et d’emplois à ses usagers

Le développement de ce processus constructif n’est pas sans conséquence sur l’organisation du travail et des acteurs du BTP, de la maîtrise d’ouvrage et d’œuvre.
Des organismes de revente de matériaux de réemploi se créent progressivement pour faciliter l’accessibilité de ces gisements urbains. Ces organismes gèrent la collecte ou l’acheminement des matériaux, leur extraction ou leur préparation afin qu’ils soient à nouveau propres pour la mise en œuvre. Certains organismes proposent également le stockage des matériaux. Ces nouveaux acteurs de la construction se positionnent non comme concurrents mais plutôt comme intermédiaires entre les concepteurs, les constructeurs et les chantiers.
L’enjeu pour une remise en œuvre saine et effective du matériau requiert la formation et montée en compétence des acteurs historiques autour de :

  • l’identification des matériaux réutilisables sur les chantiers ;
  • la récupération, nettoyage, remise à l’état des matériaux identifiés ;
  • la communication sur les matériaux à disposition auprès des acteurs historiques de la construction et conception ;
  • la mise en relation des chefs de projet / chantier avec la base de matériaux récupérés
  • le stockage des matériaux récupérés ;
  • l’acheminement des matériaux récupérés...

Autant de nouvelles pratiques qui offrent des opportunités d’insertion professionnelle sur les territoires. En reposant sur le repérage, le traitement et l’acheminement de ressources locales, ces nouveaux emplois sont non délocalisables. L’émergence d’une filière de réemploi favoriserait ainsi des retombées économiques, sociales et environnementales locales. La ville de Mende, en Lozère a par exemple misé sur le développement d’une ressourcerie, pour accompagner l’insertion socioprofessionnelle de personnes éloignées de l’emploi, la réduction des déchets en rallongeant leur durée d’usage ainsi que la création d’emplois locaux. Pour cela, la commune a commandité en 2016 une étude de faisabilité auprès de son association ALOES d’économie sociale et solidaire, complété par des sessions de concertation et co-construction du projet auprès des habitants, pour proposer cette structure de ressourcerie dès la rentrée 2017.

Soutenir le processus du réemploi ouvre également de nouvelles perspectives aux métiers de l’artisanat : il nécessite en effet de savoir-faire manuels et d’une ingénierie sur la valorisation de la matière. La filière émergente du réemploi amène donc la création de nouveaux outils, techniques et numériques, pour permettre à la fois le travail « in situ » lié aux matériaux mais aussi pour rassembler et connecter tous les acteurs du réemploi. Elle favorise aussi la création de nouvelles structures et entreprises liées au développement de la pratique. L’essor de cette pratique, ancrée dans une problématique contemporaine liée aux impacts environnementaux de la construction serait génératrice d’évolution dans le secteur du bâtiment, accompagnant les ambitions de transition énergétique fixées.

Recyclo’Bat en Haute Garonne illustre l’émergence de la pratique du réemploi en Occitanie. Cette association propose de reconditionner les matériaux collectés pour tout chantier d’entreprises, particuliers et / ou institutions. L’association collecte, stocke, valorise le ou les matériaux, dans le but de les revendre ou le réutiliser à travers des créations originales – mobilier urbain pour la collectivité de St Lys par exemple, mobilier intérieur pour des logements étudiants etc – ou à l’état brut. Recyclobat propose également un service de collecte classique, déconstruction et nettoyage de chantier, ainsi que des activités de sensibilisation autour du bricolage ou de la réduction des déchets pour tous publics.
Quelques exemples des réalisations de Recyclo'bat

 

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