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La réussite d’une politique de mobilité dépend à la fois de sa cohérence avec les besoins des usagers du territoire et de sa transversalité avec les services internes et les territoires alentours. Pour cela, l’élaboration de diagnostics détaillés et la rencontre des différents acteurs compétents sont primordiaux.

 

Réaliser des diagnostics ciblés pour connaître les pratiques et les comportements de mobilité sur un territoire
Toute démarche d’amélioration de l’offre et / ou de création de nouvelles solutions en termes de mobilité suppose d’analyser en amont les besoins, attentes, difficultés et initiatives sur le territoire.
Le diagnostic des mobilités – existantes et prévisionnelles – permet d’obtenir un état des lieux de l’organisation des mobilités sur le territoire. Ces diagnostics déterminent les modalités d’accès, de sortie et de circulation pour un territoire au regard de l’ensemble des modes de déplacement : vélo, marche, transports collectifs, véhicules motorisés, etc. Ils s’intègrent dans les Plans Climat Air Energie Territoriaux -PCAET - animés par les collectivités. Cette phase de diagnostic permet d’effectuer une analyse fine des besoins de mobilité. Le partage et la mobilisation de cette analyse des besoins est nécessaire pour éclairer les choix d’actions et définir la stratégie mobilité du territoire.

Le diagnostic mené par la ville de Moissac en 2010 révélant un fort immobilisme des habitants est par exemple à l’origine du développement du réseau d’autopartage Rezo Pouce.
Au niveau du département du Tarn-et-Garonne, un diagnostic ciblé des déplacements a été initié sur proposition de son Centre de Formation Professionnelle – AFPA. Ce diagnostic, axé notamment sur les trajets domicile – travail, a permis d’identifier et préciser les liens et influences existants entre les difficultés d’accès à l’emploi et les difficultés de mobilités rencontrées par ses usagers. Il a alimenté ainsi les orientations stratégiques du département en termes de mobilité pour développer et assurer l’accessibilité des emplois sur son territoire.
Autre exemple : l’agglomération de Nîmes a engagé un diagnostic partagé des déplacements et offres de mobilités avec ses usagers afin de construire un plan de déplacements urbains le plus approprié possible aux pratiques.

Que comprend le diagnostic mobilité ?
Le diagnostic mobilité territorial s’appuie sur des données - démographiques, de circulation, d’offres et de fréquentation de transports, etc. – les démarches transversales qui influencent la mobilité – planification globale du territoire, documents d’urbanisme, localisation des activités, etc. ainsi que sur des interviews et / ou entretiens auprès des habitants et acteurs du territoires.
Il s’organise selon trois dimensions :

  • une dimension structurelle qui recense les infrastructures, aménagements et services influençant les choix de modes de transports et les conditions de déplacements des usagers. Ce volet comprend notamment le stationnement, le partage de la voirie, l’urbanisme, le management de la mobilité, et les actions visant au non-déplacement comme le télétravail et les télé-démarches etc.
  • une dimension comportementale qui présente les habitudes de déplacements des usagers du territoire. Ce volet peut également aborder la propension des usagers à faire évoluer leurs choix et modes de mobilités.
  • une dimension analytique qui identifie les besoins de mobilités pour les habitants du territoire, sur la base des entretiens réalisés.
    La synthèse de l’analyse initiale permet de mettre en évidence des dysfonctionnements et des pistes d’amélioration. Le diagnostic permet de disposer d’informations suffisantes et prospectives pour déterminer les enjeux et les objectifs fixés au(x) plan(s) de mobilité(s).

Comment réaliser mon diagnostic mobilité territorial ?
La première étape pour initier son diagnostic mobilités consiste à recenser l’ensemble des données existantes disponibles et manquantes afin d’en anticiper la collecte.
Pour cela, les collectivités peuvent mobiliser les bases de données statistiques existantes :

La plateforme TerriSTORY permet de dresser :

  • un état des lieux de la situation : la précarité énergétique mobilité, la part des transports dans la consommation énergétique du territoire, la localisation de solutions de mobilité alternative (IRVE, installations de distribution H2, installations GNV, zones covoiturage),
  • et des pratiques sur le territoire concerné : les déplacements pendulaires, les modes de déplacements,..).

Les collectivités peuvent organiser des enquêtes par téléphone, envoyer des questionnaires, et organiser des entretiens semi directifs individuels ou collectifs pour compléter les données statistiques collectées. La réalisation d’enquêtes et / ou entretiens permet d’élaborer un diagnostic plus qualitatif.

 

Le diagnostic se réalise ensuite en 3 temps :

  • l’analyse des besoins en mobilité. Elle concerne l’identification des dynamiques de production et résidentielles ; des dynamiques démographiques ; des dynamiques de déplacements, notamment de déplacements domicile – travail, déplacement de voyageurs, de migrations résidentielles, universitaires ou encore des flux économiques.
  • l’évaluation de l’accessibilité. Elle met en évidence les facilités ou difficultés d’accès du territoire selon les lieux de résidence et les modes de déplacement choisis. Cette étape dresse également les temps de déplacements ou la qualité des aménagements pour tous les modes de transports du territoire – marche, vélo, transports collectifs, trains, etc. Elle propose en finalité un état des lieux de l’intermodalité du territoire.
  • le partage du diagnostic. Le diagnostic est présenté et validé par un comité de pilotage afin d’aboutir à un diagnostic partagé avec les élus, les acteurs locaux et les différents partenaires. Le partage du diagnostic encourage la mobilisation des acteurs sollicités pour la suite des travaux. La production d’une synthèse claire et précise du diagnostic facilite l’information des usagers et des communes alentours sur l’état des lieux des mobilités du territoire. Cette synthèse permet d’initier la co-construction de la stratégie de mobilités territoriales.

Etude de diagnostic pour le territoire du PNR des Causses du Quercy

 

Traduire le diagnostic mobilité territorial en objectifs politiques hiérarchisés qui préfigureront le « système de mobilité » choisi par les élus
Avant de pouvoir définir un programme créant les conditions d’une mobilité plus durable et plus adaptée aux besoins de ses habitants, la collectivité doit disposer d’une traduction « politique » des enjeux issus du diagnostic : le « système de mobilité » arbitré par les élus, qui reflète des choix quant à la stratégie de mise en œuvre pour atteindre les grands objectifs. Sans cette étape clef, la collectivité risque de valider un plan d’actions consensuelles, trop génériques pour être opérationnelles.

Pour construire et déployer la stratégie de mobilité, la collectivité locale, quel que soit son statut, et même si elle n’est pas pleinement autorité organisatrice de la mobilité, peut avoir un rôle actif, en accord avec l’AOM locale. Elle peut elle-même initier des groupes de travail ou s’appuyer sur un bureau d’études pour réfléchir sur le « système de mobilité », puis proposer des fiches actions, répondant aux orientations et aux objectifs arbitrés préalablement.
Les collectivités peuvent aussi se rapprocher d’acteurs publics tels que l’ADEME, le CEREMA, l’AREC, les Agences d’urbanisme qui peuvent les guider dans la définition du projet (mise à disposition de cadres et exemples de cahiers des charges d’étude). Ces acteurs peuvent aussi accompagner la réalisation, techniquement et/ou financièrement sous réserve que la collectivité soit AOM. Dans le cas contraire la collectivité ne pourra pas solliciter d’appui technique extérieur sans délégation de l’AOM locale, c’est-à-dire la Région comme c’est majoritairement le cas en Occitanie. Et juridiquement cette délégation ne pourra être accordée qu’à une commune ou un EPCI à fiscalité propre.

L’outil Terristory propose, en complément du tableau de bord “mobilité” permettant le suivi d’indicateurs territoriaux, 3 fiches didactiques (“moins se déplacer”, “se déplacer autrement” et “se déplacer plus efficacement”) et 1 outil de simulation dont l’objectif est de proposer des exemples de leviers d’actions dont les impacts en termes d’économie d’énergie, de réduction des émissions de CO2 et de facture énergétique peuvent être rapidement quantifiés, afin d’apporter des éléments d’aide à la décision dans les étapes de validation des objectifs et d’élaboration du plan d’action.

Enfin, affilier un « chef projet » spécifique au sein de sa collectivité pour l’organisation, le suivi, l’interprétation du diagnostic et du plan d’action favorise une réalisation efficace et précise de la stratégie de mobilité territoriale retenue.

 

Proposer une gouvernance partagée pour construire ses schémas directeurs et plans de mobilité.
La coopération et le dialogue entre les différents acteurs compétents en termes de mobilité ou concernés par les actions de mobilités durables envisagées sont une autre clé de réussite, notamment au cours de l’élaboration des schémas directeurs et plans de mobilité. Les collectivités peuvent s’appuyer sur leurs diagnostics mobilité pour favoriser ce dialogue territorial et la coopération entre acteurs.

La pertinence de la stratégie Mobilité du territoire passe par l’identification de tous les champs de compétences concernés et de tous les partenaires qui possèdent au moins l’une d’elles. Une bonne gouvernance passe alors par des temps de travail ou d’arbitrage concertés avec tous ces partenaires institutionnels.

Au-delà de la concertation « institutionnelle », la collectivité peut également organiser la concertation « Grand Public » qui vise à faire remonter les pratiques, les attentes et ce qu’on appelle « l’expertise d’usage ». Ces dialogues peuvent prendre la forme d’ateliers participatifs, à l’instar des Etats Généraux du Rail et de l’Intermodalitéinitiés par la Région Occitanie en 2016 ou plus récemment les Etats Généraux de la mobilité solidaire en 2023.

Traitement et publication des résultats des actions de concertation
La communication des résultats de la concertation auprès des acteurs territoriaux de la mobilité et de la société civile, permet de concrétiser l’appropriation de la stratégie mobilité sur le territoire. Ces résultats constituent une base de travail pour la construction de schémas directeurs ou stratégies de mobilité en réponse aux attentes et besoins exprimés.

Assurer le suivi et l’évaluation de la politique de mobilité territoriale
La réussite d’une politique de mobilité repose sur aussi sur la définition en amont, d’indicateurs de suivi et d’évaluation opérationnels et utiles. La mise en œuvre d’un PCAET contribue à l’élaboration de ces indicateurs au sein des collectivités. Le PETR Pays Sud Toulousain a travaillé par exemple sur le développement d’indicateurs visuels, géolocalisés, reproductibles, pour favoriser l’aide à la décision, dans la continuité de son PCAET. Ces indicateurs permettent le suivi du maillage des pôles principaux et secondaires par les solutions de mobilité.
En termes de mobilités, les indicateurs de réussite peuvent concerner – liste non exhaustive :
• l’évolution des taux d’émissions des pollutions atmosphériques sur un territoire ;
• l’évolution des consommations énergétiques du secteur des transports et des mobilités ;
• l’évolution de la fréquentation des gares et / ou transports collectifs ;
• l’évolution de l’utilisation du vélo ou autres modes actifs sur le territoire ;
• l’évolution du temps et de la fréquence des épisodes de congestions connus sur le territoire ;
• le taux de fréquentation et d’utilisation des bornes de recharges de véhicules électriques ;
• etc.

La création d’un outil de pilotage contribue au suivi des actions mises en oeuvre. Cet outil de pilotage doit être pensé par la collectivité pour une meilleure appropriation. Il peut reprendre, entres autres, l’ensemble des actions, leurs objectifs, leurs calendriers de réalisation et les acteurs associés.
La Communauté d’agglomération de Tarbes Lourdes Pyrénées a par exemple construit un tableau de bord de suivi autoporté par les collectivités concernées afin d’évaluer la mise en œuvre des 6 grandes orientations de son PCAET. Chaque grande orientation est évaluée par des indicateurs spécifiques. Plus particulièrement, le développement d’une mobilité moins polluante sur leurs territoires est évalué par :
• l’évolution des consommations d’énergie et GES secteur des transports ;
• l’évolution du nombre de passagers des transports collectifs ;
• l’indice des parts modales des modes doux pour se rendre au travail ;
• le taux d’utilisation des bornes publiques de recharges pour véhicules électriques ;
• l’évolution du nombre d’immatriculation de véhicules à carburants alternatifs

A l’instar des diagnostics, les collectivités ont à charge l’animation et le pilotage de ces outils de suivi et d’évaluation. Elles peuvent solliciter l’accompagnement de l’ADEME, le CEREMA, l’AREC ou les agences d’urbanisme pour guider la définition des indicateurs de suivi voire construire les outils de pilotage et d’évaluation. La mobilisation de bureaux d’études privés est aussi une possibilité pour assurer le recueil de données nécessaires pour renseigner les indicateurs ou élaborer les outils de suivi.
Un stand d'information sur un marché

 

Traitement et publication des résultats des actions de concertation
La communication des résultats à la suite des échanges et rencontres auprès des acteurs concernés pour l’élaboration du projet, ou auprès de la société civile impactée par le projet, permet de concrétiser l’appropriation de la stratégie mobilité sur le territoire. Ces résultats constituent une base de travail pour la construction de schémas directeurs en réponse aux attentes et besoins exprimés au cours de ces rencontres.

 

 

vignette : Frédéric Scheiber