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L’engagement de la COP 21 de limiter le réchauffement climatique à 2° impose la mise en œuvre d’une transition énergétique qui conduit à transformer le cadre de vie et les modes de vie. Le défi à relever est ambitieux et ne se fera pas sans évolution des paysages.

Différents domaines d’intervention et des impacts paysagers variables

La mise en œuvre de la transition énergétique peut amener à faire évoluer, voire redessiner le paysage. Cela suppose en tous cas d’agir sur plusieurs domaines : l’économie (gestion des déchets, économie circulaire, circuits courts...), les mobilités (transports et déplacements doux, communs, partagés, électriques…), l’habitat (formes urbaines, intensité urbaine, urbanisme végétal, mixités, espaces publics...), l’implantation d’activités, les cultures (types et pratiques d’agriculture, sylviculture, cultures marines…) et les énergies renouvelables.
Elle modifie aussi les façons de consommer, de produire, de travailler, de se déplacer et de vivre ensemble pour tendre vers un territoire plus sobre en énergie.
Toutes ces modifications ne sont pas sans impact sur les paysages. On peut citer par exemple, le monde agricole qui est amené à recomposer le parcellaire de façon à produire autrement en évitant les pesticides, en promouvant les pratiques d’agroécologie, et en instituant un système local de production de nourriture saine et de circuits de proximité.

Les impacts paysagers peuvent être maîtrisés par un travail de mise en cohérence pour que le projet de transition énergétique prenne en considération les spécificités du territoire : son histoire et sa géographie, ses ressources et leurs usages, les données patrimoniales et culturelles, les savoir-faire, les situations sociales et les ressources humaines.

L’interaction entre l’appropriation des enjeux énergétiques et des moyens de production locaux et l’attention portée au cadre de vie et aux biens communs est indispensable pour façonner un nouveau paysage qui soit accepté.
Si elle est discutée, débattue, ouverte et prospective, la transition énergétique peut déboucher sur une meilleure qualité du cadre de vie.

Les territoires à énergie positive (TEPOS) sont un exemple de cette transition multidimensionnelle à l’échelle d’un territoire. Pour s’affranchir des énergies carbonées et des matériaux issus des ressources fossiles, ces territoires puisent dans leurs ressources naturelles et humaines. Il s’agit de relocaliser les lieux de productions énergétiques, c’est-à-dire de rapatrier sur le territoire des richesses économiques et d’imaginer des modes de vie plus économes, avec par exemple des bâtiments à énergie positive, une réduction des déplacements et le développement de nouvelles formes de mobilités, la lutte contre la production des déchets et la montée en puissance de la collecte et du recyclage.
Pour réussir cette interaction, les territoires sont amenés à inventer une nouvelle organisation fonctionnelle du territoire qui intègre une dimension qualitative et esthétique. Ce nouveau modèle de société est basé sur l’acceptabilité sociale et l’appropriation collective des nouvelles pratiques et approches paysagères.

Par exemple dans le Pays Midi Quercy (Tarn et Garonne), la facture énergétique du territoire est de 130 millions d’euros qui partent ainsi à l’extérieur. Un premier objectif fixé pour 2030 est d’en récupérer 26 millions par le recours à des conseils en énergie partagée, la rénovation thermique des bâtiments, le développement des énergies renouvelables adaptées au territoire : photovoltaïque, filière bois, hydrothermie… Cette récupération de flux financier peut être réinvestie localement au bénéfice du territoire pour créer de la richesse, réaliser les investissements nécessaires, adapter et former les entreprises, créer de l’emploi.
Ce type d’initiative de relocalisation des productions énergétiques peut permettre de rapatrier sur le territoire des richesses économiques importantes et d’imaginer des modes de vie plus économes, respectueux des spécificités du territoire tout en conciliant transition énergétique territoriale et aménagement de nouveaux cadres de vie.

 

Différentes échelles de paysages pour la transition énergétique

La transition énergétique peut s’incarner et se concrétiser à l’échelle d’un lieu, d’un site ou d’un territoire. Son empreinte paysagère est visible (éolienne, photovoltaïque en toiture, nouvelles formes d’habitat) lorsqu’il s’agit notamment de répondre au défi du développement des énergies renouvelables.

Certains territoires ont relevé le défi d’une intégration territoriale des énergies renouvelables. C’est le cas notamment des Parcs Naturels Régionaux qui ont pour mission « la protection et la gestion du patrimoine naturel, culturel et paysager » et ont fait le choix de s’engager dans des démarches Territoires à Énergie Positive (TEPOS).
Dans ce cadre, le Parc met en œuvre une politique de transition énergétique et climatique qui intègre une gestion transversale des enjeux afin de concilier transition énergétique et écologique.

On peut citer comme exemple le PNR de la Narbonnaise en Méditerranée, qui a rédigé une charte qualité avec pour objectif de fournir un ensemble d’outils opérationnels pour que le développement de l’énergie éolienne et du solaire sur le territoire du Parc et du Grand Narbonne puisse se poursuivre en favorisant le développement économique local, l’implication des citoyen(ne)s et la prise en compte de l’environnement et du paysage.

Si l’on s’intéresse aux Grands Sites de France, malgré leur engagement dans une politique de protection des monuments naturels et des sites, ce sont des acteurs engagés en faveur de la transition énergétique à laquelle ils contribuent par un ensemble d’actions concrètes : réduction de la place de la voiture dans les sites et forte incitation aux déplacements doux, aménagements sobres réalisés avec les matériaux du site, éco-construction, recours au photovoltaïque, valorisation des productions locales, sensibilisation de leurs visiteurs à l’environnement et à un comportement responsable, etc.
Étant donné leur label, leurs actions doivent être compatibles avec le respect de critères paysagers et environnementaux qui sont le fondement de leur existence, en assurant la préservation, la gestion et la mise en valeur du site.

On peut également citer ici les travaux de valorisation du hameau de Navacelles, situé dans le Cirque de Navacelles, classé et labellisé GSF. Le projet s’articulait autour de plusieurs missions dont la réhabilitation du patrimoine bâti remarquable, l’intégration paysagère des deux parkings « habitants », le réaménagement des berges en faveur des piétons ou encore l’aménagement d’une promenade. A noter également que dans le cadre de cette opération tous les matériaux du chantier ont été recyclés et réutilisés lors des travaux - notamment pour reconstituer les murets et combler les fossés .

Autre exemple, à l’échelle ici d’un bâtiment : la démarche Nowatt de la Région Occitanie.
Dans le cadre de sa feuille de route Région à Énergie Positive à l’horizon 2050, la Région a décidé de soutenir des projets exemplaires de construction ou rénovation de bâtiments économes et sobres en ressources. Pour la Région un « bâtiment NoWatt est une opération innovante de construction ou de rénovation qui limite son empreinte énergétique tout au long de son cycle de vie, de l’extraction des ressources à la fin de vie du bâtiment, qui intègre les attentes des usagers et qui s’inscrit dans une démarche élargie, technique, sociale et poétique en lien avec le territoire ».
Bâtiment nowatt Région Occitanie
La construction d’un collège et d’un gymnase à la Cavalerie (Aveyron) s’inscrit dans cette démarche. Ce bâtiment peut être qualifié d’exemplaire en termes :

  • de transition énergétique : intégration des exigences de la charte du PNR des Grands Causses, recours aux énergies renouvelables, utilisation de matériaux en majorité biosourcés et locaux, gestion de l’eau à la parcelle ;
  • d’insertion paysagère : respect des exigences de la charte du PNR des Grands Causses, site situé à proximité des dessertes de transports en commun, protection des haies implantées et respect du périmètre d’implantation relatif au monument historique ;
  • et d’acceptabilité locale – mutualisation des espaces et des usages, des surfaces et des fonctions entre le collège, le gymnase et l’école voisine.

Pour favoriser l’identification et l’appropriation du projet par les populations, le porteur de projet a cherché à répondre aux attentes sociales, économiques et culturelles identifiées sur le territoire.