Plusieurs outils sont disponibles et mobilisables par les collectivités pour intégrer l’enjeu paysager à leur politique énergétique territoriale. Quelques exemples sont présentés ci-après.

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Les outils de planification opposables

Le SRADDET  : ce schéma élaboré par la Région fixe les objectifs régionaux de moyen et long termes en lien avec plusieurs thématiques : équilibre et égalité des territoires, implantation des différentes infrastructures d’intérêt régional, désenclavement des territoires ruraux, habitat, gestion économe de l’espace, intermodalité et développement des transports, maîtrise et valorisation de l’énergie, lutte contre le changement climatique, pollution de l’air, protection et restauration de la biodiversité, prévention et gestion des déchets. Les objectifs du SRADDET s’imposent aux documents locaux d’urbanisme (SCoT, plans locaux d’urbanisme, cartes communales, plans de déplacements urbains, plans climat-air-énergie territoriaux et chartes de parcs naturels régionaux) dans un rapport de prise en compte, alors que ces mêmes documents doivent être compatibles avec les règles générales du SRADDET.
A titre d’exemple la règle 13 vise à systématiser certaines bonnes pratiques dans les plans et projets : « favoriser l’insertion paysagère et la qualité architecturale des nouvelles implantations ».

Les SCoT, PLU et PLUi : ces documents doivent déterminer les conditions « permettant d’assurer la maîtrise de l’énergie et la production d’énergie à partir des sources renouvelables tout en concourant à la préservation des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts… » (article L.121-1 du Code de l’urbanisme). Ils doivent prendre en compte les PCAET, s’ils existent ; ils contribuent alors à la déclinaison locale des objectifs énergétiques dans le périmètre du territoire concerné. Des recommandations ou prescriptions d’insertion paysagère ou environnementale sont possibles.
Ainsi le Document d’Orientations et d’Objectifs (DOO) d’un SCoT peut fixer une règle imposant la prise en compte du paysage lors de la mise en place d’une installation de production d’énergie renouvelable.
Un exemple de prescription : « Les dispositifs de productions d’énergies (collectifs ou individuels) doivent s’intégrer dans leur environnement, tant urbain que paysager, et respecter les prescriptions de l’objectif 16. Les projets de production d’énergie renouvelable électrique doivent prendre en compte la capacité de réseau existant auquel ils sont amenés à se raccorder » SCoT Cahors & Sud du Lot.

Le Plan Climat Air Energie Territoire - PCAET : ce document d’échelle communale ou intercommunale, définit les objectifs et la stratégie du territoire pour le climat et l’énergie. Son diagnostic s’appuie sur des analyses énergétiques mais aussi sur des éléments du paysage, notamment la ressource forestière. Les aspects environnementaux et paysagers sont évoqués lors de l’évaluation environnementale et stratégique qui étudie et analyse les impacts de chaque action sur l’environnement.
Les thématiques environnementales précisés dans l’article R. 122-20 du Code de l’Environnement incluent les paysages.

Les Objectifs de Qualité Paysagère – OQP : la loi ALUR (2014) confère aux documents d’urbanisme et de planification un devoir en matière de qualité paysagère sur l’ensemble du territoire, en cohérence avec la Convention européenne du paysage. Elle rend obligatoire la prise en compte des paysages dans les documents d’urbanisme, par la définition d’objectifs de qualité paysagère, c’est-à-dire d’orientations stratégiques et spatialisées en matière de protection, de gestion ou d’aménagement des paysages. Les OQP permettent d’orienter la définition et la mise en œuvre ultérieure des projets de territoire au regard des traits caractéristiques des paysages considérés et des valeurs qui leurs sont attribuées.
Ainsi, par exemple un OQP relatif à la densification, identifie les secteurs propices sur le territoire et formule des objectifs pour favoriser la qualité des projets (énergétiques, immobiliers...).

Les Chartes de PNR  : elles définissent les objectifs d’aménagement et de développement du territoire et les actions des communes signataires doivent être en cohérence avec les Chartes de Parc. Elles doivent tenir compte des principes promus par la charte, qu’ils concernent le climat, l’énergie ou le paysage.
Un exemple issu de la charte du PNR des Causses du Quercy : « Toutes les communes s’engagent à prendre en compte les travaux et recommandations de l’observatoire du paysage dans l’élaboration de leurs documents d’urbanisme et leurs projets d’aménagement. Elles organisent avec le Parc des débats sur les enjeux paysagers lors des projets d’aménagement ou à la faveur de l’élaboration ou de la révision de leurs documents d’urbanisme. »

 

Les outils de planification non opposables

Les Plans de Paysage : le plan de paysage est une démarche volontaire, qui vise à définir un projet de territoire reposant sur la qualité, l’originalité et la richesse de celui-ci, et permettant de rechercher une cohérence d’ensemble. Le paysage constitue à ce titre un élément fédérateur. La réussite d’un plan de paysage nécessite une réelle animation de la part des territoires concernés, complémentaire aux études qui constituent une étape essentielle mais insuffisante. La déclinaison du plan d’actions peut se retrouver dans des actions d’aménagement direct, dans une traduction réglementaire, dans la planification ou dans des actions de sensibilisation / formation.

Un exemple d’action mise en place par la Communauté de Communes de la Lomagne Gersoise dans son plan de paysage : « Promouvoir l’architecture contemporaine : privilégier les projets contemporains respectueux de l’environnement et du paysage par leur implantation, leur matériaux ; communiquer sur les projets pilotes : bâtiment passif, habitat en paille, en terre. »
On peut citer ici le plan de paysage pour la transition énergétique et climatique du PNR des Pyrénées Ariégeoises. Le PNR s’est lancé dans ce processus de plan de paysage en lien avec les questions de transition énergétique et climatique. Cette démarche prolonge à la fois la réalisation d’un plan climat air énergie territorial (PCAET) et la valorisation des paysages du parc.

La Charte paysagère et architecturale : c’est un outil non réglementaire, qui s’élabore à l’échelle d’un territoire. Ce document a pour objectif de faire partager la lecture et l’identité d’un territoire pour permettre de conduire des projets paysagers, architecturaux et énergétiques cohérents.
C’est un projet de paysage, partagé entre les principaux acteurs de la transformation du territoire. Ici le paysage n’est pas considéré comme le produit involontaire d’activités multiples individuelles, mais il devient l’expression d’un intérêt commun pour la qualité du cadre de vie. Une sorte de contrat moral entre les acteurs de l’aménagement signataires de la charte, auquel peut s’ajouter une traduction réglementaire. On peut citer ici l’exemple du PCAET du Pays Sud Toulousain : Action « Mettre en place sur l’existant et déployer sur les nouvelles zones d’activités une démarche qualité ambitieuse » qui inclut en descriptif la « création d’une charte d’aménagement paysagers et architecturale des zones d’activités. »

La méthode ETAPE - un outil de spatialisation des ambitions énergétiques d’un territoire
L’outil E.T.A.P.E, élaboré par le Collectif « Paysages Après Pétrole », permet d’appréhender le paysage comme un levier qui facilite la transition énergétique. Cette démarche collaborative combine des aller-retours entre la quantification nécessaire pour atteindre les objectifs de transition, et sa mise en œuvre qualitative dans des cadres de vie, des paysages quotidiens différenciés et spécifiques. Le déroulé consiste, d’une part, à identifier les ressources paysagères de ce territoire, identifier les synergies possibles entre ressources paysagères et énergétiques ; d’autre part, à spatialiser la stratégie énergétique préalablement choisie par le territoire dans Destination Tepos, et d’imaginer le récit cohérent qui racontera les nouveaux paysages énergétiques de ce territoire.
Cet outil a fait l’objet d’un atelier lors de la 6e rencontre TOTEn du 21 mai 2021.

 

Des outils à l’initiative de certaines collectivités

Le Schéma Directeur de développement des Énergies renouvelables – SDE : cet outil de stratégie énergétique à l’échelle d’un territoire relève d’une démarche volontaire. Le diagnostic territorial permet d’identifier les potentialités et les freins au développement des EnR. Les aspects paysagers sont appréhendés à ce stade pour une prise en compte lors de la mise en œuvre des actions. Ils sont aussi évoqués lors de l’évaluation de chaque potentiel EnR . Le SDE peut être mis en œuvre au travers des autres politiques sectorielles du territoire et, en particulier, la planification urbaine. Transcrire les résultats du SDE dans les documents d’urbanisme permet de le rendre opposable.
Un exemple : dans le cadre de son SDE, Montpellier Métropole s’est fixé de « promouvoir le développement d’installations photovoltaïques permettant de valoriser les protections phoniques le long des grandes infrastructures et intégrant la dimension paysagère des projets ».
Sur ce même sujet, elle a lancé un appel à projets pour la réalisation et l’exploitation d’une centrale photovoltaïque au sol. Le projet devra répondre à un objectif de production économiquement viable et d’intégration paysagère harmonieuse, en cohérence avec les impératifs de la loi Littoral.

La Charte forestière du Parc Naturel Régional du Haut-Languedoc
Les forêts couvrent les deux tiers du Parc naturel régional du Haut-Languedoc. Dans une souci de préservation de ce patrimoine paysager qui représente un enjeu majeur, les acteurs locaux ont souhaité mettre en œuvre une stratégie de développement forestier. La charte forestière est devenue le document de référence sur le territoire pour la filière bois. Les organismes et communes signataires s’engagent à respecter les termes de la charte, à contribuer à la réalisation du programme d’actions associé, et à développer les énergies renouvelables dans le respect des préconisations formulées.

La Charte de développement de l’éolien du Parc Naturel Régional de la Narbonnaise en Méditerranée
Le Parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée a fait émerger une culture transdisciplinaire du paysage à travers l’élaboration puis l’animation de la charte de développement éolien. Cette charte, établie en concertation (socioprofessionnels, collectivités, population) est destinée à faciliter la mise en place de parcs éoliens tout en respectant environnement, paysage et acceptation sociale. La charte comprend un cahier de recommandations qui aide les partenaires à tenir compte de la valeur environnementale, paysagère et sociale des sites, en apportant des conseils en termes de simulation paysagère du parc éolien, de documents à fournir, d’intégration des réseaux et ouvrages en élévation, des infrastructures (chemins, accès, stationnements, aires de levage…), de reconstitution d’une palette végétale si nécessaire, et de gestion du chantier.

La Séquence Eviter-Réduire-Compenser – ERC : ce dispositif mis en œuvre par la région Occitanie a pour objectif d’éviter les atteintes à l’environnement, de réduire celles qui n’ont pu être suffisamment évitées et, si possible, de compenser les effets notables qui n’ont pu être ni évités, ni suffisamment réduits lors de la mise en œuvre d’actions dans les territoires.
La loi d’août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a fait évoluer l’approche réglementaire de la séquence ERC en lui conférant une existence propre. Elle est désormais inscrite dans le 1er article du code de l’environnement (L. 110- 1) avec la déclinaison du principe d’actions préventives des atteintes à l’environnement. Cela peut être, par exemple en phase de travaux, la mise en place d’un dispositif de protection pour protéger des habitats d’espèces ou des arbres remarquables.
En Occitanie une Communauté régionale Éviter - Réduire - Compenser Occitanie (CRERCO) a été mise en place pour accompagner les acteurs dans la mise en œuvre de la séquence ERC.