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Véritable enjeu de santé publique, la qualité de l’air constitue une des composantes environnementales susceptibles d’être affectées par l’aménagement du territoire (à l’échelle des documents de planification autant qu’à celle des projets de travaux, de constructions, …).
Intégrer les enjeux de la qualité de l’air dans l’aménagement peut ainsi contribuer :
• à prévenir de nouvelles pollutions,
• à réduire à la source les émissions de polluants atmosphériques,
• ou encore à réduire l’exposition des populations à la pollution.

 

Comment associer qualité de l’air et aménagement dans les territoires ?

Selon l’article L101-2 du Code de l’Urbanisme, le SCoT et le PLUi déterminent les conditions permettant d’assurer la réduction des émissions de GES, la maîtrise de l’énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables, la préservation de la qualité de l’air et des ressources naturelles.

Le SCoT est un document d’urbanisme stratégique qui, à l’échelle d’un territoire de projet, définit des objectifs et orientations d’aménagement de l’espace. L’amélioration de la qualité de l’air est généralement abordée de manière indirecte, sous l’angle des transports, des ressources naturelles, de l’économie... Cependant, les objectifs et orientations transcrits dans les différents documents composant le SCoT peuvent largement concourir aux stratégies locales en matière de qualité de l’air.

Exemples de recommandations inscrite dans le SCoT du Pays Comminges Pyrénées : « Afin de limiter les nuisances sonores et les problématiques de santé liées à la pollution atmosphérique générée par les transports, les documents d’urbanisme peuvent limiter l’urbanisation à proximité des principaux axes routiers ou des installations bruyantes, en particulier pour certains établissements sensibles (petite enfance, scolaire, médical, etc.) ».

Le SCOT de Montpellier Méditerranée Métropole a défini plusieurs objectifs dont celui de « Protéger la qualité de l’air », et a inscrit dans son DOO (Document d’Orientations et d’Objectifs) des prescriptions pour y parvenir.
Exemple de prescriptions :

  • « développer les mobilités post-carbone (train, tramway, bus, modes actifs, vélo en libre-service) et les alternatives écomobiles, en mettant en place une organisation incitant à l’intermodalité et développer le covoiturage, tel que le précise l’organisation des déplacements » ;
  • « mettre une distance entre les nouveaux bâtiments d’accueil des populations par rapport aux espaces agro-naturels dans les projets d’aménagement proches des voies de circulation majeure (axes autoroutiers en particulier), aménager des espaces végétalisés le long de celles-ci de façon à ce qu’ils contribuent à limiter la pollution de l’air (obstacles aux particules en suspension dans l’air) pour les secteurs situés à l’arrière »

 

Le PLU(i) est un document de planification d’échelle communale ou intercommunale, qui détermine les conditions d’aménagement et d’utilisation des sols à la parcelle. Le PLU(i) peut ainsi contribuer à réduire les émissions de polluants à la source, mais aussi l’exposition des populations à la pollution atmosphérique , en choisissant la localisation de certains équipements (établissements de santé, sites générateurs de trafic, sites accueillant des activités polluantes, ...).
Le PLU(i) peut avoir une action sur la qualité des bâtiments, la construction de bâtiments économes en énergie, l’isolation et l’utilisation de matériaux à faible impact environnemental pour la rénovation des bâtiments existants.
Par la mise en place d’une organisation territoriale adéquate, le PLUi peut limiter l’étalement urbain et les phénomènes de périurbanisation. Il peut conditionner l’ouverture à l’urbanisation à la desserte en transports en commun, favoriser le renouvellement urbain (construire la ville sur la ville), la densité urbaine et la mixité des fonctions et des services dans les quartiers, notamment autour des gares et des transports collectifs, ou des zones susceptibles d’accueillir une desserte en transports en commun. Il peut inciter et contraindre à la végétalisation des espaces et promouvoir la plantation d’arbres comme moyen de filtration et dépollution de l’air.
Il peut agir sur la mobilité des personnes en créant les conditions favorables au développement des modes actifs : création de cheminements piétons, de voies cyclables et des stationnements vélos, mise en place de ratios en places de stationnement (ratio maximum pour les automobiles et minimum pour les vélos)…

Le PLUi a une influence plus limitée sur les émissions liées à l’agriculture et aux industries. Pour le secteur agricole, il peut préserver le maintien de terres agricoles à proximité des villes, et ainsi indirectement favoriser le développement de circuits courts et d’une agriculture de proximité. Pour les industries, il peut intervenir sur la localisation de ces installations, en les positionnant loin des zones résidentielles et des bâtiments accueillant des populations sensibles, tout en intégrant à la réflexion les déplacements des employés et des visiteurs.

Exemple d’OAP (Orientation d’aménagement et de programmation) relative à la qualité de l’air dans le projet de PLUi de Toulouse Métropole pour "promouvoir une ville apaisée et responsable" :
« Dans les secteurs de dépassement des seuils réglementaires NO₂, le règlement prévoit que les constructions neuves à destination de logement et les établissements sensibles prennent en compte la pollution de l’air en adoptant des dispositions constructives appropriées présentées dans une notice d’accompagnement. Les établissements sensibles devront être refusés si l’emplacement et la configuration du terrain ne permettent pas de diminuer le niveau d’exposition des personnes accueillies. Les dispositions constructives attendues ont fait l’objet d’une doctrine interne à la collectivité qui peut aller jusqu’au refus de projets dont la localisation s’avère dangereuse pour la santé ».

Autres exemples d’OAP :
• Encadrer l’implantation de nouvelles installations génératrices de trafic (zones commerciales, grand équipement, nouveau quartier, route à forte circulation, etc.) pour éviter de surexposer les populations existantes et futures (par exemple, ne pas construire à proximité immédiate de zones habitées ou sensibles, etc.) ;
• Favoriser l’implantation de logements et d’équipements en fonction de la desserte par les transports collectifs, notamment à travers la définition de zones de densité minimale dont la localisation sera déclinée dans les PLU ;
• Intégrer dans les phases de chantier les plus émissives (démolition, terrassement...) des mesures de prévention des émissions de particules et la mise en place éventuelle de mesures de surveillance et des objectifs à respecter en cas de sensibilité de l’environnement (horaires de fonctionnement, durée, concentrations maximales...) ;
• Choisir des arbres et des arbustes ayant un effet reconnu sur la réduction des polluants dans l’air et notamment sur les particules fines et le dioxyde d’azote. Ces plantations peuvent être implantées à certains endroits pour créer des zones « respirables ». Le choix de l’essence d’arbre doit être également associé à une étude d’implantation des arbres et des bâtiments environnants afin de ne pas nuire à la dispersion des polluants atmosphérique par un effet "couvercle".

 

Au niveau opérationnel, comment intégrer les enjeux de la qualité de l’air dans les projets de travaux, de construction ?

Le secteur du BTP qui comprend les activités de chantier est un important secteur émetteur de particules. Les principaux effets reconnus des particules sont les suivants : réduction de la durée de vie, augmentation des cas de bronchites chez les enfants, réduction des capacités respiratoires chez les adultes et les enfants.

Les émissions de poussières sur chantier proviennent de plusieurs sources : la dégradation des matériaux (briques, plâtre, béton, laines d’isolation, etc.), les opérations de manipulation (tri au sol, broyage et concassage), le transport des matériaux, les émissions d’échappements des engins de chantier…
La prise de conscience collective de la pollution aux particules fines et leur impact sanitaire conduit certains professionnels du secteur et certains maîtres d’ouvrage à anticiper la problématique de l’émission de poussières.
Pour préserver les riverains des contraintes imposées par les chantiers, les maitres d’ouvrage peuvent privilégier des chantiers à faibles nuisances, dans lesquels ils imposent aux entreprises la mise en place de mesures permettant de réduire les impacts notamment en termes de poussières, comme par exemple des techniques de brumisation ou la gestion de l’impact du vent.

 

Le volet qualité de l’air dans les PCAET

L’article 85 de la Loi n°2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM) a renforcé le volet « air » des PCAET en y introduisant un plan d’actions de réduction des émissions de polluants atmosphériques, contenant des obligations de moyens et de résultats.

Montpellier Méditerranée Métropole, engagée dans l’élaboration de son Plan Climat Air Énergie Territorial (PCAET), a intégré cette nouvelle exigence législative. Sur le fond, les actions en faveur du climat et de la qualité de l’air reposent souvent sur les mêmes leviers, ainsi, sur la forme, une présentation intégrée de la thématique "air" dans l’ensemble des documents composant le PCAET a été privilégiée. Le Plan d’Actions pour la Qualité de l’Air (PAQA) est pleinement inscrit dans la démonstration d’ensemble du PCAET et les différentes parties du document composant le PAQA sont identifiés avec un logo. Chaque fiche action comporte une rubrique indiquant la contribution à la réduction des émissions de polluants atmosphériques et, le cas échéant, l’amélioration de la qualité de l’air intérieur.

Autre exemple : dans son nouveau PCAET adopté en 2019, le SICOVAL a souhaité intégrer de nouvelles actions relatives à la qualité de l’air.
L’axe stratégique 2 "Un air respirable, un enjeu sanitaire" contient 10 actions qui concernent la mobilité, la méthanisation, le secteur agricole, le secteur résidentiel, et l’exemplarité de la collectivité pour la qualité de l’air intérieur. L’axe 4 "Un territoire à entraîner", qui vise la sensibilisation et la mobilisation des acteurs du territoire, doit permettre d’enclencher une dynamique territoriale sur ces mêmes sujets.

Au-delà du patrimoine et des compétences de l’EPCI, le rôle de coordinateurs de la transition énergétique confère aux territoires la légitimité et l’obligation de mobiliser l’ensemble des acteurs pour atteindre les objectifs Air Climat Énergie.
Le PCAET apparaît donc comme un outil majeur, contribuant à l’atteinte des objectifs nationaux, grâce à une planification à moyen terme de la politique du territoire. Il dispose d’un cadre juridique en réponse à une exigence réglementaire, mais aussi d’une légitimité au plus proche des habitants, qui lui permet d’envisager des politiques ambitieuses.

Pour en savoir plus, le rapport final du projet PLAN’AIR "L’intégration de la qualité de l’air dans les PCAET" identifie des facteurs de succès ainsi que des freins à cette prise en compte de la qualité de l’air dans les PCAET, et met en avant des démarches exemplaires et actions opérationnelles portées par certaines collectivités.

 

La qualité de l’air, une préoccupation présente dans des documents sectoriels

Le contrat local de santé (CLS) est un outil porté conjointement par l’Agence Régionale de Santé et une collectivité territoriale pour réduire les inégalités territoriales et sociales de santé. En Occitanie, en 2022, 28 CLS étaient déjà signés, 10 étaient en projet.

Le contrat local de santé s’inscrit dans une approche globale visant à réduire les inégalités en agissant sur les déterminants de santé (transports, logement, urbanisme, petite enfance, loisirs, alimentation, travail…). Les politiques publiques locales sont les meilleurs leviers pour agir sur ces enjeux et sur la santé des habitants du territoire.
Certaines collectivités, comme le Pays Cœur d’Hérault, ont fait le choix d’intégrer la problématique de la pollution de l’air dans leur CLS. Ainsi le CLS 2019-2023 inclut un volet "santé-environnement" sur la thématique des pesticides

Les Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) ont pour objectif de relocaliser l’agriculture et l’alimentation dans les territoires en regroupant tous les acteurs de l’alimentation : producteurs, transformateurs, distributeurs, consommateurs, collectivités territoriales et acteurs de la société civile autour d’un même projet pour développer une agriculture locale durable et une alimentation de qualité. Ces programmes sont une opportunité pour instaurer des pratiques culturales respectueuses des ressources naturelles que sont l’eau, le sol et l’air et pour développer une consommation responsable.
Par le développement de la consommation de produits locaux, la valorisation de l’agroécologie, la préservation de l’environnement et des paysages agricoles, le PAT contribue à améliorer la qualité de l’air.
De nombreux territoires en Occitanie ont engagés des PAT, que ce soit dans le cadre de leur PCAET ou en démarche volontaire.

Le Parc Naturel Régional des Pyrénées Ariégeoises, par exemple, au travers de son PAT, affiche sa volonté de valoriser les ressources locales dans la production tout en respectant l’environnement, et notamment la qualité de l’air et de l’eau.