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D’après le rapport de l’ADEME « Changer les comportements, faire évoluer les pratiques sociales vers plus de durabilité », une action publique visant l’évolution des pratiques sociales doit nécessairement articuler les outils, les acteurs et les échelles d’action. Les démarches de démocratie participative et la co-construction sont donc à favoriser. Elles doivent permettre de réinterroger les modèles, de se réapproprier les territoires et d’élaborer une vision partagée.

Dans les territoires, si chaque acteur du triptyque « pouvoirs publics – entreprises – consommateurs » a des responsabilités dans la transition du territoire vers des modes de vie plus sobres, la collectivité, en tant que coordinatrice des actions de transition énergétique dans le cadre de son plan climat, peut faciliter cette transition.

 

La collectivité, initiatrice d’un autre modèle d’organisation du territoire

En parallèle à la phase de co-construction collective d’un nouveau projet de territoire (voir notre article "Construire une vision positive du futur autour d’un projet de territoire attractif et mobilisateur"), la collectivité va identifier les actions possibles à mettre en œuvre. Plusieurs types d’actions sont possibles, mais présentent des degrés d’acceptabilité différents :

  • des actions simples qui font déjà consensus sous réserve de fournir des arguments adaptés (facture énergétique, empreinte environnementale, santé...). Exemple d’actions : supprimer les objets jetables, l’eau en bouteille, éviter la voiture individuelle pour de courtes distances, réduire le chauffage d’un degré en hiver, limiter l’utilisation de climatisation, composter les déchets organiques, isoler les bâtiments, …
  • des actions plus complexes car structurelles, c’est-à-dire qui demandent des évolutions systémiques, sociétales et sociotechniques. Ex : le développement d’une alimentation locale de qualité, le réemploi , la mise à disposition d’espaces de mutualisation (coworking, covoiturage, espaces de rafraîchissement …).
  • des actions plus difficiles à instaurer et qui vont s’inscrire dans le long terme car elles demandent des adaptations juridiques ou réglementaires qui ne relèvent pas nécessairement du champ de compétence des collectivités locales (suppression, des emballages, réduction de la vitesse maximale autorisée...)

Quelles que soient les actions retenues, elles doivent faire l’objet d’une concertation et s’inscrire dans une démarche participative pour faciliter leur appropriation et leur mise en application.

La collectivité doit accorder une place importante aux citoyens qui sont les usagers quotidiens du territoire et doivent être acteurs de la sobriété dans leurs pratiques et modes de vie. Ils doivent pouvoir s’exprimer sur les problématiques locales et proposer des pistes d’actions.
L’initiative de la Région Occitanie « Ma Solution pour le Climat » a permis des contributions citoyennes à la politique régionale. La mise en place du Conseil Citoyen de la sobriété en est un autre exemple.
Pour inciter les citoyens à agir, de nombreuses collectivités mettent en place des budgets participatifs/citoyens qui permettent de soutenir financièrement, entre autres, des projets de sobriété portés par des structures locales. On peut citer l’exemple du Département du Tarn qui a retenu 24 lauréats dans le cadre de son budget participatif 2022. Un des projets retenus concerne la création d’un puits avec pompe solaire pour l’alimentation en eau d’un jardin solidaire et partagé.

La collectivité doit s’employer à combiner les initiatives citoyennes avec des actions publiques concrètes, et si nécessaire la mise en place d’une réglementation locale adaptée. En questionnant les modes de production et de consommation, la sobriété est un levier mobilisateur pour l’ensemble des acteurs du territoire.

 

Comment infuser de la sobriété dans les politiques publiques ?

La sobriété et les nouveaux modes de vie qui y sont associés doivent faire l’objet d’un sujet à part entière dans les politiques publiques, au travers de l’empreinte carbone, de l’obsolescence programmée, du gaspillage alimentaire, de l’économie circulaire… Il est important que la collectivité associe les acteurs locaux à la définition de ses programmes de sobriété, car ils peuvent soit être relais auprès des citoyens, soit être la cible des nouvelles politiques publiques ; ce qui va leur demander d’agir.
Par exemple, pour faire évoluer la consommation d’énergie au sein des foyers, la collectivité peut s’appuyer sur les artisans, les bailleurs sociaux, les associations qui peuvent servir de relais en termes de conseils et accompagnements auprès des ménages.
Pour inciter à l’utilisation des transports en commun, la collectivité va gérer les infrastructures matérielles mais elle va s’appuyer sur les écoles, les associations pour agir sur les représentations sociales liées à la voiture et à ses alternatives.

La collectivité doit également veiller à mettre à disposition les moyens nécessaires pour animer et piloter les démarches territoriales de sobriété :

  • des moyens humains pour assurer l’animation territoriale de la démarche (information, communication et valorisation) et la mise en œuvre opérationnelle des actions, car accompagner les citoyens vers la sobriété nécessite du temps pour faire changer les comportements ;
  • des moyens financiers : les acteurs locaux et les citoyens sont des porteurs de projets potentiels qui vont faire émerger de nombreuses idées, dont certaines devront être concrétisées.

Des collectivités ont fait le choix d’intégrer le volet de l’animation comme une fiche action de leur PCAET , d’autres recrutent un chef de projet « sobriété ».

Dans son PCAET, le Grand Figeac a dédié une fiche action à « Déployer des actions de sensibilisation à la sobriété énergétique auprès des habitants ».
Le Parc naturel régional des Grands Causses a dédié un axe stratégique de son PCAET à la sobriété.

 

Une démarche de sobriété s’inscrit dans le long terme

Comme précisé dans l’article "Construire une vision positive du futur autour d’un projet de territoire attractif et mobilisateur", une collectivité qui veut s’inscrire dans une démarche de sobriété devra adopter une vision stratégique à moyen et long terme pour son territoire et ses habitants. Pour autant, pour porter ses politiques et projets de long terme, la collectivité devra s’attacher à la mise en œuvre d’actions ponctuelles locales pour alimenter les réflexions et la prise de conscience de la nécessité d’agir.

Au travers de leurs investissements sur des périodes pluriannuelles, les collectivités sont les mieux placées pour agir dans les territoires. Ce sont elles qui décident de l’organisation des activités (PLUi, SCoT, PLH, PCAET), qui sont capables de mobiliser les acteurs locaux (citoyens et entreprises) et de favoriser l’évolution des comportements.
Or la modification des documents d’urbanisme et de planification nécessite du temps, de par la multiplicité des acteurs et des communes. Accompagner le changement des normes, des comportements individuels et des représentations collectives est aussi un travail de long terme.
En outre, la recherche de sobriété fait appel à des projets innovants, de l’expérimentation avant déploiement a plus grande échelle ce qui suppose également une temporalité sur plusieurs années.

Un exemple en Occitanie : le projet Eco-bâtival du Sicoval (2020-2025) - projet de développer un bâtiment exemplaire en termes de sobriété énergétique, démonstrateur et évolutif, support d’innovation.
Cette plateforme à énergies positives constitue un lieu dédié aux professionnels du bâtiment, de l’écoconstruction et de l’économie circulaire. Lieu d’échanges, d’information et d’expérimentation, il permettra d’accueillir tous types de publics professionnels comme particuliers dans différents espaces : fab lab, espaces d’exposition, de formation, de conseil...